La dénutrition chez les seniors : causes, conséquences et mesures concrètes

Qu’est-ce que la dénutrition ?

La dénutrition est un état pathologique qui survient lorsque les apports nutritionnels ne couvrent plus les besoins de l’organisme. Elle est fréquente chez les personnes âgées, notamment au-delà de 70 ans. La dénutrition ne se limite pas à une perte de poids visible. Elle peut être silencieuse, se manifestant par une fonte musculaire, une fatigue accrue, une fragilité physique et cognitive.

La Haute Autorité de Santé (HAS) considère la dénutrition comme un véritable enjeu de santé publique, en particulier dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et au domicile. Près de 4 à 10 % des personnes âgées vivant à domicile sont concernées, contre 15 à 38 % dans les EHPAD et jusqu’à 60 % dans les services hospitaliers de gériatrie. Ainsi, dans la plupart des cas, un traitement de la dénutrition est à envisager

Principales causes de la dénutrition chez les seniors

La dénutrition résulte généralement d’un ensemble de facteurs physiologiques, psychologiques et sociaux.

Facteurs physiologiques

• Diminution de l’appétit (anorexie du vieillissement) : réduction naturelle de la sensation de faim avec l’âge.
• Altérations sensorielles : perte du goût et de l’odorat, rendant les aliments moins attrayants.
• Troubles bucco-dentaires : prothèses inadaptées, douleurs dentaires, xérostomie (sècheresse buccale).
• Pathologies chroniques : cancer, insuffisance cardiaque, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), maladie de Parkinson, Alzheimer.
• Effets secondaires des médicaments : nausées, troubles digestifs, altération du goût.

Facteurs psychologiques et sociaux

• Dépression : très fréquente avec l’âge, elle peut entraîner une perte d’intérêt pour l’alimentation.
• Isolement social : repas pris seuls, perte de motivation à cuisiner ou à se nourrir.
• Difficultés financières : accès réduit à une alimentation variée et de qualité.
• Dépendance fonctionnelle : incapacité à faire les courses, à préparer les repas ou à se nourrir sans aide.

Conséquences de la dénutrition

Les conséquences de la dénutrition chez les seniors sont graves et multiples.

Sur la santé physique

• Fonte musculaire (sarcopénie) : affaiblissement des muscles, favorisant les chutes et la perte d’autonomie.
• Altération du système immunitaire : augmentation du risque d’infections (infections urinaires, pulmonaires, etc.).
• Retard de cicatrisation : plaies chroniques, escarres.
• Augmentation du risque de complications hospitalières : décompensation des maladies chroniques, infections nosocomiales.

Sur la santé mentale

• Diminution des capacités cognitives : mémoire, concentration, confusion.
• Aggravation des troubles dépressifs : isolement, perte de motivation.

Sur la qualité de vie

• Perte d’autonomie : besoin accru d’aide pour les actes de la vie quotidienne.
• Hospitalisations répétées : avec des durées plus longues et un retour à domicile plus complexe.
• Mortalité accrue : la dénutrition est un facteur de risque indépendant de mortalité chez les personnes âgées.

Comment repérer la dénutrition ?

Le repérage précoce est essentiel pour limiter les conséquences de la dénutrition.

Signes cliniques d’alerte

• Perte de poids involontaire (>5 % en 1 mois ou >10 % en 6 mois).
• Vêtements devenus trop larges.
• Fatigue inhabituelle, faiblesse musculaire.
• Diminution de l’appétit, réduction de la consommation alimentaire.
• Modification du comportement alimentaire (saut de repas, choix d’aliments pauvres).

Outils de dépistage

• IMC (Indice de Masse Corporelle) : seuil d’alerte < 21 chez la personne âgée.
• MNA (Mini Nutritional Assessment) : questionnaire spécifique aux personnes âgées.
• Bilans biologiques : albuminémie, protéines totales, préalbumine.

Actions concrètes pour prévenir et corriger la dénutrition

La prise en charge repose sur une approche pluridisciplinaire intégrant nutrition, accompagnement social et soins médicaux.

Surveillance et suivi

• Pesée régulière (au moins une fois par mois).
• Suivi médical avec bilan nutritionnel.
• Tenue d’un carnet alimentaire.

Adaptation de l’alimentation

• Enrichissement des plats avec des produits riches en protéines et en calories (lait en poudre, oeufs, fromage râpé, beurre, crème).
• Fractionnement des repas : 3 repas principaux + 2 collations.
• Textures adaptées en cas de troubles de la déglutition.
• Aliments plaisir pour stimuler l’appétit.

Compléments nutritionnels oraux (CNO)

• Préconisés en cas de dénutrition modérée à sévère.
• Disponibles sous forme de crèmes, boissons lactées, soupes enrichies.
• Prescrits par un médecin et souvent remboursés.

Aide à domicile

• Services de portage de repas à domicile adaptés.
• Interventions d’une diététicienne.
• Assistance pour les courses et la préparation des repas.

Stimulation sociale et environnementale

• Favoriser les repas partagés.
• Activités collectives autour de la cuisine.
• Ambiance conviviale et rituels de repas respectés.

Approche médicale

• Traitement des pathologies sous-jacentes.
• Réduction du nombre de médicaments responsables de troubles digestifs ou de perte d’appétit.
• Prise en charge psychologique en cas de dépression.

Enjeux dans les établissements et au domicile

En institution

• Protocoles de dépistage systématique.
• Formations du personnel soignant sur la dénutrition.
• Menus adaptés et enrichis.
• Collaboration entre médecin coordonnateur, diététicien, aides-soignants.

Au domicile

• Coordination avec les médecins traitants.
• Recours aux équipes mobiles de gériatrie ou aux réseaux de santé gérontologique.
• Implication de la famille et des aidants dans le suivi nutritionnel.

Ressources utiles pour les seniors et leurs aidants

• Maisons des aînés et des aidants : informations et orientation.
• Caisse de retraite et mutuelles : services de portage, ateliers nutrition.
• Associations locales : soutien social et logistique.
• Sites référents : HAS, Ministère de la Santé, Pôles gérontologiques régionaux.

La lutte contre la dénutrition chez les personnes âgées repose sur un repérage précoce, une action coordonnée et une sensibilisation continue des professionnels, des familles et des aînés eux-mêmes.