Protéger son patrimoine : donation, démembrement, assurance vie, testament
À la retraite, la question de la protection et de la transmission du patrimoine devient centrale. Anticiper les effets juridiques et fiscaux permet de réduire les droits de succession, d’organiser la transmission selon ses souhaits, et d’éviter les conflits familiaux. Plusieurs outils sont disponibles : donation simple, donation avec démembrement, assurance vie, testament, société civile immobilière, mandat de protection future. Chaque solution répond à des objectifs précis, selon la composition familiale, le type de biens détenus, et le degré d’anticipation possible.
Organiser une donation de son vivant
La donation permet de transmettre un bien ou une somme d’argent de son vivant à un ou plusieurs bénéficiaires.
Elle peut être :
- en pleine propriété (transfert immédiat complet),
- ou avec réserve d’usufruit (le donateur garde l’usage du bien).
Chaque parent peut donner jusqu’à 100 000 € à chaque enfant tous les 15 ans, sans droits à payer. Pour les petits-enfants, l’abattement est de 31 865 €.
Il existe aussi une exonération spécifique de 31 865 € pour les dons familiaux d’argent, si le donateur a moins de 80 ans et le donataire plus de 18 ans.
Les donations doivent être déclarées à l’administration fiscale et, pour les biens immobiliers, obligatoirement faites par acte notarié.
Les dons peuvent être :
- simples (argent, meuble, part de société),
- ou avec charge (financer des études, maintenir un parent à domicile…).
La donation-partage permet de répartir équitablement entre héritiers, avec gel des valeurs au jour de la donation. Elle limite les contestations futures.
Le démembrement de propriété : optimiser la transmission
Le démembrement consiste à séparer la nue-propriété (droit de disposer) et l’usufruit (droit d’utiliser ou de percevoir les revenus).
Un parent peut ainsi :
- donner la nue-propriété d’un bien immobilier à ses enfants,
- tout en conservant l’usufruit jusqu’à son décès (exemple : continuer à vivre dans un logement ou en percevoir les loyers).
Avantages :
- la valeur transmise est réduite fiscalement (la nue-propriété est évaluée selon un barème basé sur l’âge de l’usufruitier),
- les droits de donation sont plus faibles,
- au décès, l’usufruit s’éteint automatiquement et les enfants deviennent pleinement propriétaires sans frais supplémentaires.
Ce montage est couramment utilisé pour transmettre des biens immobiliers ou des portefeuilles de titres, via une société civile immobilière (SCI).
L’assurance vie : un outil souple et puissant
L’assurance vie reste l’outil patrimonial le plus souple pour les retraités.
Atouts principaux :
- épargne disponible à tout moment,
- fiscalité allégée sur les gains après 8 ans,
- transmission hors succession avec abattements spécifiques.
Pour les sommes versées avant 70 ans :
- chaque bénéficiaire dispose d’un abattement de 152 500 €,
- au-delà, taxation à 20 %, puis 31,25 %.
Pour les sommes versées après 70 ans :
- abattement global de 30 500 € tous bénéficiaires confondus,
- droits de succession classiques sur l’excédent (hors intérêts).
La rédaction de la clause bénéficiaire est essentielle :
- possibilité de désigner un ou plusieurs bénéficiaires,
- clause démembrée possible (usufruitier + nu-propriétaire),
- clause « à défaut » ou hiérarchisée en cas de prédécès.
Il est conseillé de vérifier régulièrement cette clause auprès de l’assureur ou du notaire.
Le testament : encadrer la répartition successorale
Le testament permet de fixer les règles de répartition de son patrimoine après le décès. Il doit respecter les réserves légales : une part minimale est due aux enfants (la « réserve héréditaire »).
Exemples :
- 1 enfant : réserve de 50 % du patrimoine,
- 2 enfants : 2/3 à répartir entre eux,
- 3 enfants et plus : 3/4 du patrimoine en réserve.
La part restante (la « quotité disponible ») peut être attribuée librement via testament.
Il existe plusieurs formes de testaments :
- olographe : écrit à la main, daté et signé,
- authentique : reçu par deux notaires, ou un notaire et deux témoins,
- mystique : peu utilisé.
Le testament peut contenir :
- des legs particuliers (ex : un bien précis à une personne),
- des charges (ex : entretenir une tombe),
- une clause de cantonnement (le conjoint renonce à une part pour avantager un enfant).
Le testament peut être modifié ou annulé à tout moment. Il est recommandé de le déposer chez un notaire pour inscription au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV).
Anticiper les conflits familiaux : outils de sécurisation
Plusieurs dispositifs permettent de prévenir les litiges entre héritiers :
- donation-partage : verrouille les valeurs au moment de la transmission.
- testament-partage : pour organiser les lots dans le respect des parts légales.
- pacte de famille : contrat permettant d’organiser à l’avance la gestion ou la transmission d’une entreprise familiale.
Il est recommandé de faire intervenir un notaire pour organiser ces dispositifs de manière équitable et sécurisée juridiquement.
Transmission d’un bien immobilier
Le bien immobilier peut être transmis :
- par donation en pleine propriété,
- par démembrement,
- ou via une SCI familiale.
La SCI permet :
- une gestion à plusieurs,
- des donations progressives de parts sociales,
- un encadrement dans les statuts.
Il est possible de donner la nue-propriété des parts de la SCI tout en conservant l’usufruit, y compris sur les revenus locatifs.
En cas de vente ultérieure, la fiscalité sur la plus-value est calculée selon la détention initiale du bien par la SCI.
Réduction des droits de succession : outils complémentaires
Certains dispositifs permettent de réduire ou différer les droits :
- assurance vie (hors succession),
- donations échelonnées tous les 15 ans,
- transmission d’entreprise via pacte Dutreil (exonération partielle),
- legs à une association ou fondation exonérés de droits,
- logement principal transmis au conjoint survivant : exonération automatique.
Il est aussi possible de souscrire une assurance décès pour financer les droits de succession et éviter la vente de biens familiaux.
Mandat de protection future et habilitation familiale
Le mandat de protection future permet à un retraité d’organiser à l’avance la gestion de ses affaires si un jour il devient incapable (perte d’autonomie, maladie).
Ce mandat :
- désigne une personne de confiance (conjoint, enfant, tiers),
- peut porter sur les biens (comptes, gestion immobilière),
- ou sur la personne (choix du lieu de vie, soins).
Il est établi :
- soit sous seing privé,
- soit chez un notaire pour plus de force juridique.
L’habilitation familiale permet aux proches d’agir pour une personne vulnérable sans mise sous tutelle, sur autorisation du juge.
Ces outils sont complémentaires à la protection patrimoniale et doivent être envisagés avec un notaire ou un avocat.